Les bonnes questions à se poser quand on offre un jeu

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En cette époque, je ne résiste pas à partager avec vous les questions que
Catherine Dumonteil-Kremer pose dans son livre « Jouons ensemble autrement« :
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« – Ce jouet est-il biodégradable? Les cailloux, les bonshommes de neige, les morceaux de bois, les pâquerettes s’en iront, nous aussi, et la vie continue.

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Est-ce que je sais qui a fabriqué ce jouet? Puis-je fabriquer moi-même ce jouet? Ce jouet est-il beau? Des mains humaines ont-elles accordé à ce jouet une grâce peut-être malhabile qui en fait un objet unique, ce qui manque à tous ceux qui sont fabriqués en série par des machines.

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– Est-ce que ce jouet va capter l’attention de mon enfant plus de dix minutes?
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– Est-ce que ce cadeau favorise et encourage les centres d’intérêt de mon enfant?
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– Permet-il à mon enfant de s’engager dans la vie plus intensément?
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– L’aide-t-il à atteindre ses buts? « 
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Parce que, en les lisant, mes yeux se sont levés vers le texte encadré dans le showroom,
qui énonce nos cinq valeurs:

– Solidarité, justice, attention aux plus faibles

– Lien, ouverture

– Responsabilité, durabilité, éthique

– Parentalité dans la douceur et dans la joie

– Sensibilisation, éducation

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On transmet tellement quand on offre un jeu!

De l’innocence de l’oeuf…

Vous est-il arrivé, comme à moi, d’acheter un oeuf Kinder à votre enfant, pour lui faire plaisir après les courses, ou à la boulangerie? Après tout, ce n’est qu’1 euro de plus dans le budget, soit un montant assez insignifiant, et il sera très heureux non seulement de le manger mais aussi de découvrir la surprise. Cette fameuse surprise, mystérieuse et ludique, qui assure tout son succès depuis des générations (au moins deux, car moi aussi j’aimais bien ouvrir ma surprise quand j’étais petite!).

oeuf kinder
oeuf kinder

J’ai examiné la liste d’ingrédient de cette petite merveille:

Extérieur: chocolat au lait (sucre, lait en poudre, beurre de cacao, pâte de cacao, lécithine de soya, vanilline).
Intérieur: lait en poudre, sucre, huiles de palme et végétale modifiées, beurre de cacao, lécithine de soya, vanilline. (Produits laitiers : 32 %).

Je remarque que le premier ingrédient est le sucre, soit une proportion pas très saine ni pour la dentition ni pour le sang… Et quand on sait qu’en Belgique, pays du chocolat, 99% des fèves viennent de plantations d’Afrique où l’esclavage d’enfants est soupçonné ou pratiqué (source: Oxfam), on a envie de se limiter au chocolat issu du commerce équitable, d’autant plus qu’il est meilleur au goût 😉

Je passe sur le lait de vache que je ne porte personnellement pas dans mon coeur, sur la lécithine de soja dont j’aurais aimé savoir si elle était issue d’OGM, et je vois que l’huile utilisée est l’huile de palme. L’huile bon marché par excellence, mais dont on connait les désastres écologiques. Ce qu’on sait moins sur l’huile de palme, c’est qu’elle ne contient que des graisses saturées et du mauvais cholestérol, en d’autres termes, que du mauvais pour la santé.

Bref, niveau alimentaire, j’ai du mal à distinguer l’intérêt de la chose, malgré les 32% de produits laitiers mis en valeur comme si cela en faisait un produit sain.

Mais venons-en à la surprise, cette fameuse et attendue surprise qui est toujours, toujours, ça on peut s’y attendre, en… plastique! Sans même penser à la petite boite jaune qui finira très vite à la poubelle, et donc sans doute dans la mer (pas grand’chose, sauf que rien qu’en France, on vent 125 millions de ces oeufs chaque année…), le jouet lui-même aura une durée de vie très très courte. Chez moi, pas plus de deux semaines à tout casser, avec un record inverse de quelques minutes avant le désintérêt total. Dans le durable, on peut faire mieux…

Mais surtout, la plupart des surprises sont, si on regarde de près, interdites aux enfants de moins de 3 ans (et qui a été capable de refuser son oeuf au petit frère, de moins de trois ans, alors que le grand en recevait un?). Ceci pour une raison bien précise, le danger d’ingestion. Mais en plus, les phtalates les plus dangereux (pas tous, seulement les plus dangereux…) sont interdits sur les jouets destinés aux moins de 3 ans, qui pourraient les porter à la bouche et en absorber la substance même sans ingestion. On peut donc soupçonner que les plastiques utilisés pour ces jouets ne sont pas des plus innocents. Les phtalates sont des perturbateurs hormonaux, qui influencent le système endocrinien et peuvent causer des problèmes de santé. Pour en savoir plus sur les phtalates, c’est par ici, en particulier l’effrayant tableau des expositions aux phtalates, surtout pour les tout-petits.

Ces petites surprises souvent très peu ludiques finissent souvent bien vite, elles aussi, à la poubelle, où elles viennent rejoindre les 125 millions de petites boites jaunes…

Que le groupe Ferrero, propriétaire de la marque Kinder, me pardonne, ces réflexions ne sont que le reflet de mon opinion à moi, mais voilà, je considère qu’acheter un oeuf Kinder, non, ce n’est pas un geste innocent, encore moins respectueux de l’avenir et de la santé de mes enfants…

>A titre de comparaison

>Lek, de la Thaï Labour Campaign, une association syndicale soutenue par Oxfam Solidarité, nous explique:

Tiger Woods a reçu de Nike une offre intéressante: 100 millions $ en 5 ans pour afficher les produits de la marque.
Un travailleur thaï employé par Nike gagne 4$ par jour.

Soit:
Un jour du salaire de Tiger Woods équivaut à 14.000 journées de travail de l’ouvrier thaï (38 ans)
L’ensemble du salaire de Tiger Wodds équivaut à 25 millions de journées de travail de l’ouvrier thaï (72.000 ans).

>Un prix juste pour le producteur, qu’est-ce que c’est?

> »Comment peut-on être sûr que l’argent leur revient? » m’a récemment demandé une visiteuse de mon site.
Vaste question qui mérite toute notre attention et ouvre un débat passionnant.

Je dirais en premier lieu qu’il faut bien choisir ses fournisseurs. Des gens engagés dans une démarche alternative, réellement préoccupés par les inégalités Nord-Sud, et qui, souvent, ont mis sur pied leur organisation dans le seul but d’améliorer les conditions de vie au Sud, et pas de faire du profit, inspirent la plus grande confiance.

Bien sûr, il y a aussi ceux qui ont plongé dans la filière équitable parce qu’ils ont bien compris que c’est un créneau porteur, et surtout, en pleine croissance. Ceux qui cherchent à faire plus de profit grâce au commerce équitable. Les rejeter? Non, je ne pense pas. S’ils s’astreignent, pour certaines marchandises, aux critères d’un label tel que Max Havelaar, par exemple, cela pourra rendre un peu de dignité aux producteurs du Sud, quelle que soit la raison qui en est à l’origine: une tonne de café équitable achetée par une grande surface, c’est déjà mieux que zéro. D’où, encore une fois, l’importance du rôle du consommateur, qui définit par ses choix les priorités des distributeurs.

L’organisation Transparent Trade exige de ses membres une transparence comptable totale. Le découpage du prix des produits de leurs membres doit être publié sur le site. La Pachamama y consacre une page sur son site. L’analyse de ces prix offre une belle perspective d’explication.

En effet, comment comprendre qu’un vêtement acheté 20€ en magasin soit équitable quand seulement 3€ en reviennent à la production? Le découpage du prix montre les coûts de transport, de douane, de TVA, de salaires des employés en Europe, etc… Autant de paramètres qui, à chaque étape, font gonfler le prix d’achat final.

Toujours est-il que, même si le producteur a 3€ en poche pour une pièce vendue, la marge de la boutique est de 7,8€, soit plus du double. Ceci s’explique par les différences de coût de la vie entre les pays du Nord et les pays du Sud. 3€ donnent un niveau de vie correct au producteur, et 7,8€ donnent un niveau de vie correct au revendeur (n’oublions pas que chacun a lui aussi ses propres coûts).

D’aucuns disent, sans avoir tort, que le commerce ne sera vraiment équitable lorsque les producteurs du Sud auront le même pouvoir d’achat que les revendeurs du Nord. Bien sûr! Mais le commerce équitable lui permet au moins de subvenir aux besoins de sa famille, d’envoyer ses enfants à l’école et de les conduire chez le médecin s’ils sont malades.

Il faut aussi rester prudent à ce sujet. Je me souviens d’un reportage sur une fabrique de sacs équitables en Afrique du Sud. Une employée acceptait d’être filmée chez elle. Son salaire avait beaucoup amélioré sa qualité de vie, mais elle tenait à rester dans le bidonville où elle avait toujours vécu, près de sa famille et de ses amis. Déménager l’aurait déracinée. Or, grâce à son salaire, elle avait pu se permettre d’acquérir plusieurs appareils électroménagers tels que frigo, télévision,… et, depuis lors, se faisait régulièrement cambrioler, parfois avec violence. Il faut être très attentif à maintenir un équilibre entre l’amélioration du niveau de vie des plus pauvres et leur bien-être, ce qui est extrêmement complexe.

Une autre de ces employées, en revanche, devait parcourir cent kilomètres pour arriver à son lieu de travail, et vivait toute la semaine loin de ses enfants. Sa vie était donc difficile, mais elle en était heureuse: ce travail lui avait permis d’éviter de se retrouver à la rue, elle et sa famille. Une solution qui serait imparfaite aux yeux d’un Occidental ne l’est pas forcément pour la personne qui en bénéficie.

« Mes couturières se foutent de nos grandes théories sur le commerce équitable, elles, elles veulent être payées pour leur travail, c’est tout », m’a dit un jour un de mes fournisseurs. Ces dames prenaient mal les vérifications de l’organisme de contrôle: elles avaient le sentiment que c’était elles qu’on surveillait…

La réalité est différente selon chaque pays, et même selon chaque personne. Offrir un prix juste au fournisseur implique une grande quantité de notions complexes, très difficiles à chiffrer et surtout à généraliser. Mais pour répondre à la dame qui me demandait comment être sûr que l’argent leur revient bien, je dirais: en commerce équitable, le préfinancement du prix juste est un principe de base. Les petits producteurs n’ont pas à se demander si l’argent va bien leur revenir: ils l’ont déjà eu depuis longtemps quand l’objet arrive à la vente, et en ont déjà bénéficié par leur travail, ce qui est beaucoup plus valorisant, et les rend beaucoup plus autonomes, que de l’aide internationale qui leur laisse un statut d’assistés.

>Changeons le monde!

>Extrait d’une conversation intéressante:

– Moi je trouve un peu fort qu’on aille dire aux gens « attention, tu sais pas ce que tu achètes en prenant des baskets N., c’est sûrement fabriqué par des gens exploités en Chine » alors qu’aucun gouvernement ne fait rien pour changer ça. C’est culpabilisant alors que ce n’est pas notre rôle. On n’y peut rien en fait.

– C’est sûr. C’est très bête de jouer sur la mauvaise conscience des gens. Mais à ceux qui veulent faire des achats en ayant des garanties éthiques, il faut pouvoir proposer des réponses. Pour que justement, on ne puisse pas dire « tu vois, c’est impossible, c’est une utopie de n’exploiter personne ». En proposant des produits du commerce équitable, on peut montrer que c’est possible.

– Mais ce n’est pas ça qui va faire changer les gouvernements. Et ce sont eux qui peuvent faire changer les choses.

– On commence par de petites choses. D’abord une prise de conscience, qui s’étend de plus en plus. Les citoyens réfléchissent et, quand la réflexion prend son importance, le politique s’y intéresse, puisqu’il est élu par eux. ça fait son chemin…

>Choisir entre équitable et local?

>Il y a quelques semaines a eu lieu un débat organisé par Oxfam et intitulé: « Produits du Sud, produits locaux: le commerce équitable est-il durable? ». Il était animé par Denis Lambert, alors Secrétaire général d’Oxfam, et Axel Gosseries, professeur de philosophie économique à l’UCL.

J’y ai eu comme une révélation: le commerce équitable et le commerce local, dans le fond, c’est la même démarche! Plusieurs réalités démontrent cette idée.

Parlons d’abord de l’énergie grise.
L’énergie grise, c’est la quantité d’énergie nécessaire à la production d’un produit, avant son transport. Celle-ci s’avère bien plus importante que la quantité nécessaire au transport. L’énergie grise du commerce équitable est faible, puisqu’il s’agit d’artisanat et de petits producteurs. Ainsi, un vin chilien importé en bateau a un meilleur éco-bilan qu’un Bordeaux mis en bouteille mécaniquement et transporté en camion. Quant au CO2 émis par le transport, la plus grosse part de ces émissions revient aux déplacements du consommateur pour aller acheter de très petites quantités. Faire ses courses à pied ou a vélo est donc un véritable acte citoyen.

La demande des consommateurs n’équivaut pas toujours à une production locale. S’il serait ridicule de faire du commerce équitable sur des produits européens proposés en quantité suffisante sur le marché, il n’en reste pas moins que la production européenne est parfois bien insuffisante. Par exemple, le coton produit dans l’Union européenne pourrait habiller… vingt mille personnes! et nous sommes plus de quatre cents millions (Dès que je retrouve ces références, je les mets, promis!). Les bananes européennes ne sont produites que sur les Iles Canaries et celle de Madère, seules à avoir un climat propice à leur culture. On peut donc choisir de consommer local, quand c’est possible, et équitable quand ça ne l’est pas.

Il est certain que des tonnes de containers traversent les océans du Sud vers le Nord. Mais il y en a tout autant qui traversent du Nord vers le Sud. Et, bien souvent, grâce aux généreux subsides des pays du Nord, un kilo d’oignons européen sur un marché africain est vendu moins cher qu’un kilo d’oignons local. C’est là une énorme distorsion du commerce mondial. Le commerce local Sud-Sud est crucial pour écouler les productions locales et permettre un développement des pays les plus pauvres. Mais il est entravé par les produits du Nord. C’est là tout le problème de la souveraineté alimentaire: nos pays ont des barrières tarifaires et non-tarifaires pour se protéger des importations du Sud, les pays les plus pauvres n’ont pas ce moyen de protection. Leurs marchés sont inondés de nos surplus, et nous fermons nos portes à leur production.

Ce sont aussi les pays les plus pauvres qui souffrent le plus des impacts du changement climatique. Tornades, typhons et ouragans frappent rarement en Europe. Agir pour la réduction du réchauffement climatique, c’est un geste équitable.

De façon plus générale, acheter son pain et son beurre à la ferme locale, avec une confiture issue du commerce équitable, c’est le même courant de pensée: on sait d’où vient le produit, pourquoi on l’a acheté, et à qui on l’a acheté. La relation du producteur au consommateur est identifiable, elle n’est plus anonyme. Cela me rappelle une belle idée entendue lors du débat: l’impact majeur du commerce équitable, tant au Nord qu’au Sud, c’est de mettre les gens ensemble, de les rapprocher, de les rassembler. Ce que l’on appelle en anglais empowerment: ensemble on fera bouger les choses!

>Rencontre avec Papili

>Il y a quelques semaines, au salon du tourisme équitable, j’ai rencontré Lucile.
Lucile a décidé un jour d’offrir à ses enfants des doudous qui n’étaient pas faits en Chine par d’autres enfants. Et comme elle n’a pas trouvé ce qu’elle cherchait… elle les a faits.

Elle a créé les doudous Papili.

Ce sont des doudous qui sont dessinés par elle, et fabriqués en coton équitable du Mali, labellisé Max Havelaar. La confection se fait en Tunisie dans des ateliers en cours de conversion au commerce équitable.

Elle a choisi de rembourrer les doudous en polyester et pas en laine. Pourquoi? Pour maintenir un prix de revient correct, et que chaque travailleur, à chaque étape de la chaîne, s’y retrouve avec ce qu’il gagne. Et il se trouve, justement, que les doudous rembourrés au polyester conviennent parfaitement aux enfants allergiques aux acariens, qui adorent se loger dans la laine des doudous 100% naturels.

Elle pose des questions très intéressantes. Par exemple, pourquoi pas des jouets en plastique fabriqués en Chine et issus du commerce équitable? C’est déjà mieux que des jouets en plastique fabriqués en Chine dans des usines abrutissantes!

Elle ouvre des horizons. Elle confirme l’impression que j’ai des gens que j’ai recontrés et qui font du commerce équitable: ce sont des personnes qui sautent à pieds joints dans plein de contradictions, qui se retrouvent face à des défis impossibles, et qui arrivent quand même à en faire quelque chose. Pour un peu plus de justice dans le commerce mondial.

Parce que, arriver à vendre des doudous à un prix correct, en partant d’un prix de production dix ou cent fois supérieur à la normale, en doublant à chaque fois le prix pour que chaque maillon de la chaîne puisse en vivre, c’est un sacré casse-tête. Mais il y a des gens qui y arrivent!